Françoise Eliet, "ORLAN ARTISTE" in Art-Presse; Nº14, Janvier 1978.
Françoise Eliet, "ORLAN ARTISTE" in Art-Presse; Nº14, Janvier 1978. "Orlan joue de son corps. Dans une société chrétienne cela ne se fait pas impunément. D´autant plus qu´elle veut mettre en scene ces deux rôles où la société enferme les femmes depuis des siècles: La Vierge et la Putain. Qu´une femme ose mettre en jeu ces contradictions, cela parit intolérable. On la licencie de l´Atelier des trois soleils pour avoir vendue à la FIAC des baisers comme d´autres vendent des tableaux. Evidemment, elle devient allors son propre marchand. Est-ce là aussi ce qui déplaît? Que veut-elle dire par là? Que toute action, dans notre société, est transaction, transfert de biens, d´argent, de corps. Au Portugal cet été, à la Quatrième Rencontre d´Art organisé par Egídio Álvaro, à Caldas da Rainha, elle se promène sur le marché avec une masque sur le visage: une photographie de son sexe ouvert. Cela fait scandale. Pourtant on projette des films porno dans le seul cinéma, depouis la révolution, et dans les vitrines des magasins on voit des pots de chambre de toute taille avec des pénis érigés ou des excréments. Un culte phallique, sous la forme de bornes de pierre, est largement présent au Portugal, dans les lieux publics les plus divers. Mais la présence de ces bornes (qu´on ne voit plus) ne dérange personne. Par contre, lorsqu´une femme sculpteur, Clara Menéres, veut exposer dans une exposition d´art érotique à Lisbonne un pénis sculpté déposé dans un coffret, cela choque. Elle commence allors un dossier sur les bornes phalliques et découvre dans une église du nord du pays des sexes, mâles et femelles, placés en ex-voto à côté de la représentation d´autres membres. En licenciant Orlan, on fait un contresens sur son travail puisque sa mise en scène du corps est aussi une mise à distance, comme elle le prouva par le lesurage des institutions où, après avoir laissé le public s´approcher d´elle, elle l´amis dehors, obtenant, par l´utilisation de la video, que seule une image soit transmise. Le corps est intouchable. S´il est touché, ce ne peut être que prostitution, voilà ce que déclare l´institution qui l´a mise à la porte." Soutien à ORlan "Suite à la démarche artistique et politique d´Orlan, auteur du "Baiser d´artiste", le comité de direction des 3 Soleils a procédé à son licenciement aprÈs 6 annés de travail. La quasi totalité des Elèves animateurs en formation dans cette école s´oppose au licenciement abusif d´Orlan qui porte atteinte au droit du travail et à la liberté d´expression. Pour obtenir sa réintégration et pour marquer leur profonde désapprobation, ils ont fait grève le mardi 6 décembre. Pour soutenir activement Orlan, ils organisent une "animation" de rues le jeudi 8-12 au soir à la Croix-Rousse" Les Elèves animateurs Ateliers des 3 Soleils et la Section CFDT "L´AMER BAISER DE L´ARTISTE" "Elle s´apelle Orlan et elle a trente ans. Artiste et professeur dans une école de formation d´animateurs socio-culturels à Lyon, les Ateliers des trois soleils, elle a été jugée incompatible avec sa fonction de formatrice. La jeune femme s´était soudain rendue célèbre par son "baiser de l´artiste" (un vrai baiser à qui le voulait, contre 5 francs) fin octobre, à la FIAC, au Grand Palais. Le 6 décémbre, quarente des quarante-cinq élèves animateurs des Ateliers des trois soleils se sont mis en grève, pendant vingt-quatre heures, pour obtenir la réintégration de leur professeur et pour marquer "leur profonde désapprobation". Sans prendre parti sur la démande artistique d´Orlan, ni remettre en cause leur enseignement, les élèves s´étonnent qu´on leur prône la liberté d´expression et que le non-conformisme de leur professeur soit immédiatement sanctionné. Orlan avait été suspendue le 7 novembre au landemain dúne émission de télévision, au cours de laquelle elle avit exposé longuement sa démarche artistique. Dix jours plus tard, elle était licenciées. Sa démarche ne se limite pas au "baiaser de l´artiste-femme", "à une prise particuliète sur le plèdestal des mythes: la mère, la pute et l´artiste". Orlan, qui est peintre, a choisi con corps comme matériau pour remettre en question l´image que l´homme a fait de la femme, "face à une société de mères et de marchands". in Le Monde, 10 Décembre 1977