Robert Belleret, "Au chômage pour avoir vendu ses baisers", in LE MATIN, 6 décembre 1977.
Robert Belleret, "Au chômage pour avoir vendu ses baisers", in LE MATIN, 6 décembre 1977. "Lors de la dernière Foire Internationale d´Art Contemporaine, Orlan avait fait sensation. Pour 5 Francs, elle distribuait avec application des baisers aux visiteurs incrédules. Son initiative affectueuse n´a pas séduit son employeur, une association culturelle lyonnaise où elle enseigne le théâtre et la peinture. Elle vient d´être licenciée. Pour avoir vendu sis baisers à la FIAC, Orlan a perdu son emploi. En se transformant en distributrice de baisers dans le cadre de la dernière Foire Internationale d´art contemporaine, Orlan - plasticienne stéphanoise de trente ans - avait fait sensation. Son "baiser de l´artiste" à 5 F avait fait sensation. Les journaux, les radios et les télés s´étaient emparés de l´événement, et la créatrice du happening provocateur y avait gagné une célébrité immédiate. Aujourd´hui, Orlan est au chômage. Son exhibition parisienne n´a pas du tout plu à son employeur lyonnais qui s´est séparé d´elle. Dans un télégramme laconique, le comité directeur des ateliers des trois soleils - une association plutôt bien pensante où elle enseigne le théâtre et la peinture à des éléves-animateurs - lui a signifié que "son attitude publique était incompatible avec ses fonctions de formateur". Ses cours sont suspendus. La plupart de ses élèves, et certains de ses collègues, lui ont apporté leur soutien. Sans grand espoir. Orlan, qui avait déjà eu quelques problèmes en début d´année pour avoir plagié la Grande Odalisque d´Ingres, dans un tableau vivant, admet d´autant plus mal cette répression en forme de censure que sa démarche nést pas gratuite. "En utilisant mon corps comme matériau, j´assume pleinement mon exhibitionnisme d´artiste, explique-t-elle, et je cherche à remetre en question le marché de l´art. Le baiser de l´artiste avait également une dimension féministe, puisqu´il revendiquait le droit de la femme à disposer librement de son corps." Dali au féminin, ou martyr du body art? Le personnage d´Orlan, comme ses motivations, ne manque pas d´ambiguité. Le procès qui lui est fait n´en constitue pas moins une atteinte caractérisée à la liberté individuelle."